Ce travail est réalisé par Patrick Thépot.
Si relever est un acte simple, la succession des opérations qui s’y déploient nous entraîne toutefois dans un monde où abstrait et concret se confondent. Ainsi, nous pouvons nous poser la question : de quelle façon un relevé est-il mis en oeuvre et quelle est sa destinée ? Nous entrons alors de plain pied dans l’espace de la fabrication du relevé d’architecture et ces interrogations nous projettent d’abord face à l’édifice à relever alors que rien n’existe encore sinon l’édifice lui-même, situé dans son contexte, en une spatialité qui nous englobe. Tout reste à faire avant d’obtenir cette finalité dessinée qui deviendra le début d’un accomplissement à interpréter. Un univers tridimensionnel s’inspirant du réel est donc à construire dans une totalité virtuelle par des allers/retours permanents entre le monde sensible et celui de l’intelligible. Cette approche physique/métaphysique convoque trois actes essentiels : la prise de mesures, le report de celles-ci et un tracé. Dans l’action de déterminer la valeur de dimensions, la prise de mesures coïncide avec un déplacement immatériel dont le report participe d’une transposition. Le même devient autre tout en étant le report de l’origine. Des mesures identiques à la source se trouvent transportées pour être répétées. Par ce transfert, nous pouvons évoquer cet acte autant dans l’espace d’une construction en cours que sur une feuille de papier lorsque le report des mesures met en lien les points qui préfigurent l’édifice, par plans orthogonaux, en attente d’une existence à lire à plat. Le tracé synthétise les mesures relevées qui sont désormais reportées en reliant point par point chaque partie du corps arpenté. Le chemin suivi révèle progressivement l’édifice par des lignes a priori abstraites. Cette abstraction est nécessaire et devient la condition indispensable pour projeter les points mesurés en un langage, celui du dessin. Par une volonté condensée, nous transformons le grand monde en petit monde. Il est couché sur du papier avec suffisamment d’imagination pour prévoir ainsi tout ce qui sera nécessaire lors de la transformation de nos notes jusqu’au résultat final. La géométrie revient au premier plan pour répondre à tout tracé indispensable à la réalisation de l’oeuvre en un passage qui est à considérer tel un échange où réside une transaction. Ce pacte nous permet de reconsidérer le relevé comme une traduction de l’espace édifié qui passe par une représentation dessinée via des mesures. Et nous pouvons dissocier l’acte de la prise de mesures des dimensions reportées. Voir, toucher ou entrer en contact avec la réalité physique sont des expériences de la connaissance. La prise de mesures nous oblige à nous situer dans l’espace et les dimensions arpentées donnent les rapports qui existent entre l’édifice et ses parties dont l’ensemble s’inscrit dans le lieu. Toutes ces opérations en provenance des actions mesurées du monde extérieur sont inséparables de la connaissance pour mener à bien un relevé d’architecture. Et si les trois temps dissociés de ces processus respectent un ordre hiérarchisé pour obtenir une finalité dessinée, nous ne pouvons oublier que ces élaborations deviennent le début d’une autre chose afin d’orienter et de continuer une pensée qui ne demande qu’à s’ouvrir pour déployer de nouvelles hypothèses à propos du projet d’architecture dont le prétexte est ici un Riad.
Ce travail a donné lieu à un atelier de recherche théorico/pratique, du 18 au 22 mars 2019, avec Bruno Queysanne et une équipe composée de quatre étudiants de l’École Nationale d’Architecture de Marrakech, Wafa Basiouni, Safae Benadder, Ibtissam Machhour et Konga Palakiyem, afin d’établir un parallèle entre l’acte de relever, le re-dessin du relevé et la pensée du projet d’architecture dans un rapport au Riad Dar Cherifa situé dans la Medina de Marrakech.