Dans le cadre de la Journée d’Etude Le Fantasme en projet, organisée par le laboratoire LRA de l’ENSA de Toulouse, Mélina Ramondence, doctorat MHA, donnera une communication intitulé Chanéac : Architecture du fantasme.
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Résumé de la communication :
Chanéac. Architecture du fantasme / architecture fantastique.
« […] Le terrain est situé dans un quartier d’habitations construit dans les années 1920 et 1930. Une barre rocheuse de cinq mètres de hauteur défonce son profil général, ce qui m’a permis d’implanter avec une certaine discrétion cette architecture correspondant à mes fantasmes. Dans ma période de gestation, je me suis laissé glisser dans l’état un peu béat du rêve éveillé et j’ai saisi au vol, comme parfaitement adapté à mon problème, la première image qui s’est présentée à moi : c’était la sensation douce et apaisante que l’on éprouve lorsque, enfant, on écosse des haricots. »[1]
C’est en ces termes que l’architecte et artiste autodidacte Jean-Louis Chanéac décrit le processus de conception de sa maison familiale[2] sur les hauteurs d’Aix-les-Bains, entre 1974 et 1976. La porte d’entrée de l’édifice est un passage symbolique vers l’univers onirique de l’architecte, peuplé de figures végétales et animales.
Cette réalisation marque un point de non retour dans la carrière de l’architecte : la fin de sa période prospective, débutée une dizaine d’année auparavant avec son adhésion au Groupe International d’Architecture Prospective fondé par le critique Michel Ragon. Chanéac s’était joint avec enthousiasme à la démarche de ses pairs qui voulaient inventer au sein de ce groupe le futur de l’architecture et de la ville. Rapidement, il explorait la frontière poreuse entre les territoires de la prospective et ceux de l’utopie, qui ont en commun leur fonction critique et leur vœu de transformer la société. Ainsi que le résume Michel Ragon : « La différence entre utopie et prospective, c’est que l’utopie situe son devenir dans l’imaginaire, alors que la prospective donne des lieux et des dates. L’utopie est poétique, la prospective, scientifique. Ou du moins la prospective se veut scientifique, alors que la dose de fantaisie qu’elle contient est peut-être en fait son meilleur atout. [3] » Fantaisie omniprésente chez Chanéac, qui oppose à la « machine à habiter » moderne son « poème à habiter ». Souvent, le « feutre baladeur »[4] s’égare dans une marge de la page pour esquisser une « structure s’infléchissant sous l’action du vent ou de la musique de Miles Davis »[5].
Dans le cadre de cet appel à communication, nous aimerions interroger la place du fantasme comme moteur de projet dans l’œuvre de cet architecte. Notre proposition de communication s’inscrit ainsi dans l’Axe 1 de la journée d’étude : « dessein construit par le fantasme ». Elle s’appuiera sur l’analyse de plusieurs œuvres de Chanéac et sur le texte Architecture interdite, dans lequel il adopte une attitude réflexive par rapport à sa propre pratique et explicite sa volonté d’inventer un autre langage architectural, écrit et dessiné.
[1] Chanéac, Jean-Louis, Architecture Interdite, Editions du linteau, Paris, 2005, 213 pp., p.110.
[2] La Villa Chanéac a été inscrite à l’Inventaire des Monuments Historiques le 15 février 2017.[3] RAGON, Michel, Histoire Mondiale de l’architecture et de l’urbanisme modernes, Tome 3 : Prospective et Futurologie, Casterman, Paris, 1978, 438 p., p.26
[4] Chanéac, Jean-Louis, Architecture Interdite, Editions Du Linteau, Paris, 2005, 213p, p.73
[5] Dessin sans titre, Fonds Chanéac, Archives Départementales de la Savoie