- Habilitée à diriger des recherches (Paris VIII).
- Docteur de l’EHESS (Paris) en Etudes urbaines.
- Architecte dplg.
- Professeure en Histoire et Théories de l’Architecture et des formes urbaines
- Théories architecturales et urbaines (XXe siècle).
- Histoire et théorie de l’architecture et de la ville, aux Etats-Unis.
- Pensée du territoire, aux Etats-Unis (régional planning, décentralisation, pensée environnementale)
Mots-clefs : architecture, ville, territoire, Etats-Unis
Liens HAL : HAL
- Bourse de recherche CEAA (Ministère de l’équipement), 1991-92.
- Bourses de recherche Lavoisier (Ministère des affaires étrangères) pour les Etats-Unis, en 1992-93 et 1993-94.
- Bourse d’étude du Centre Canadien d’Architecture (Montréal), été 2011.
- Paul Mellon Visiting Senior Fellowship, Center for Advanced Study in the Visual Arts, National Gallery of Art, Washington, D.C., été 2012.
La démarche adoptée depuis les premières recherches se fonde sur un constant aller-retour entre les cultures architecturales européennes et étasuniennes. L’importance que revêt ce « détour » par la culture architecturale et urbaine nord-américaine – qui, à en croire Tafuri et Dal Co, revêt « des caractères “impurs“ quand on la compare à la culture européenne » – tient en plusieurs points, à la fois méthodologiques mais aussi épistémologiques. Outre de faciliter une distanciation indispensable avec l’objet d’étude, il implique également de questionner l’architecture dans ses fondements pour être à même de comprendre des pensées architecturales différentes car conçues en rapport à d’autres idées du monde habité, opposées dans ce cas des Etats-Unis à celles véhiculées par la culture européenne, longtemps dominante. Francesco dal Co introduit cet élément dans la réflexion lorsqu’il évoque l’« architecture sans architecture » caractéristique de la « tradition américaine ». Il explique : « Ici, la “forme“ doit être pensée dans la fusion organique entre plan et habitation, selon des considérations sociales et dans les espaces libres de verdure naturelle, plutôt que dans des “façades“ […]. La ville de la Nouvelle-Angleterre et Central Park, comme Radburn, étaient sans “architecture“ et étaient déjà le produit intégral d’une culture architecturale. »
Une telle conception de l’architecture « sans architecture » nous a ainsi plongée dès le début de nos recherches dans un autre mode de conception de l’articulation édifice-ville-territoire, de même qu’elle nous a invitée à revisiter certains antagonismes fondeurs de la culture architecturale européenne. Elle nous a permis de prendre conscience, notamment, que la médiation par la modalité ville n’était pas obligée, l’architecture consistant avant tout en une dialectique édifice-territoire. Ce faisant, nous avons été amenée à reconsidérer la relation ville-nature et à réinterroger sous cet angle l’idéal « anti-urbain » – ou du moins qualifié comme tel depuis les années 1960 –, attaché à la culture américaine. Cette réflexion conduite plus spécifiquement dans l’ouvrage Usonia ou la ville-nature américaine (2009) a été depuis lors poursuivie en choisissant d’approfondir la spécificité de la pensée développée par les défenseurs de la décentralisation, au cours des années 1920-1930, qu’il s’agisse des partisans du Regional Planning – Benton MacKaye en tête –, ou d’une architecture organique « réintégratrice », développée par Frank Lloyd Wright avec Broadacre City.
Notre intérêt pour la décentralisation, aux Etats-Unis, tient en ce qu’elle permet de dépasser la question ville-nature, telle que posée aujourd’hui, pour réinterroger des pensées développées il y a bientôt un siècle mais qui trouvent néanmoins de nombreux échos dans le débat contemporain. D’où l’utilité, nous semble-t-il, de revisiter ces projets dont l’objectif visait à réduire le monopole des grandes métropoles et l’appauvrissement considérable des campagnes, ce qui supposait, selon leurs auteurs, de penser l’urbanisation future en de nouveaux termes. Sont alors élaborés de nouveaux principes justifiant l’invention d’une nouvelle science, celle du Regional Planning selon Benton MacKaye, qui participa à l’émergence et au développement de la pensée environnementale. L’objectif visé avec le Regional Planning était de rendre la terre plus habitable, ce qui supposait de considérer à la fois les dimensions physiques, économiques, sociales et naturelles, chacune d’entre elles constituant un écosystème indissociable des autres.
Le projet de Broadacre City conçu par Frank Lloyd Wright pendant la première moitié des années 1930 se distingue quant à lui en cela qu’il propose une solution architecturale au problème. Il s’inscrit dans la lignée des propositions visionnaires allouant à l’architecture une mission fondamentale dans l’édification d’un nouveau monde politique et social. Avec Broadacre City, Wright inscrit sa pensée de l’architecture dans le grand récit de l’histoire des Etats-Unis. Il introduit une nouvelle échelle de conception participant à enrichir sa définition de l’architecture organique, i.e. démocratique. Son architecture n’est plus pensée en référence à la ville, dépasse les dimensions de la région, pour considérer la vaste étendue du territoire d’Usonia. Broadacre City nous donne ainsi à comprendre l’évolution de la pensée architecturale – c’est-à-dire politique, économique, sociale – de Wright dans ces années de crise et de conflits mondiaux. Fidèle à l’idéal démocratique de Jefferson, il assigne en effet à l’architecture une mission essentielle : celle d’ancrer la démocratie sur le sol des Etats-Unis. La lutte contre la concentration – des pouvoirs, des richesses – que symbolisent la métropole et le phénomène de métropolisation passe en effet selon lui par un autre mode de gestion du sol et l’adoption de nouveaux modes d’habiter, réduisant à néant toute distinction entre ville, campagne, et nature. Ce projet fondé sur une alliance ville-nature, une économie coopérative, les circuits courts de production, permis par la décentralisation et le refus de toute spécialisation, n’a sans doute jamais résonné d’une façon aussi contemporaine qu’en ce début de XXIe siècle.
Les recherches ont pu être poursuivies grâce à une bourse du CCA. http://www.cca.qc.ca/fr/centre-d-etude/1589-choix-du-chercheur-catherine-maumi-retrace-les-publications
Un nouvel axe de recherche, ouvert depuis 2012, consiste en l’exploration de la pensée architecturale de Victor Gruen, nous invitant à nous plonger dans l’après Seconde Guerre mondiale. Qu’il s’agisse des adeptes de la décentralisation dans les années 1920-30, ou de Victor Gruen dans l’après Seconde Guerre mondiale, nos recherches en cours confirment l’attachement à une pensée architecturale questionnant l’évolution du monde contemporain, d’un point de vue tant économique que politique, ou social. Les objets de recherche s’inscrivent en effet dans des périodes de grands bouleversements (la crise d’avant guerre pour Wright, le monde de la consommation de masse pour Gruen), et défendent l’idée que l’architecte, et l’architecture, ont un rôle majeur à jouer dans la conception d’un monde socialement plus juste et cohérent, économiquement plus équitable, politiquement plus démocratique, et écologiquement plus responsable. Pour cette raison, leur conception de l’architecture ne dissocie pas la pensée de l’édifice (de l’habitat notamment) de celle de la communauté d’habitants, échelle particulièrement explorée par leurs projets et qui implique de questionner l’organisation de la ville elle-même, en lien avec son territoire.
Victor Gruen (1903-1980) estimait en effet que l’essentiel des problèmes auxquels étaient alors confrontées les villes américaines provenait de ce que des « centaines de spécialistes » œuvraient pour tenter d’apporter des solutions aux dysfonctionnements dont elles étaient l’objet, mais selon des approches, des processus et des objectifs à chaque fois différents, correspondant à chacune de leur spécialité. « Les hommes de la Renaissance n’avaient pas ce problème » affirmait-il, se référant aux dessins de Léonard de Vinci. L’architecture, pour Gruen, devait revenir à sa mission première, qui ne consistait nullement en la conception d’édifices isolés mais impliquait de prendre en compte « l’ensemble des éléments issus de la main de l’homme composant notre environnement ». Dans cet objectif, il mit en œuvre un processus de projet construit sur la mixité des usages et des fonctions afin de lutter contre la spécialisation et la séparation des fonctions héritées de l’urbanisme moderne. Ce processus de projet donna naissance à de nouvelles typologies architecturales – dont le shopping center – et morphologies urbaines, issues de la pensée « en coupe », notamment, des différents niveaux artificiels de la ville. Alors même que la pensée de Victor Gruen constitua la référence, en Europe y compris, dans les années 1960 et 1970, elle est aujourd’hui souvent mal comprise, ayant fréquemment été l’objet de détournements.
Ce projet de recherche a bénéficié d’un Paul Mellon Visiting Senior Fellowship du CASVA. Cf. Maumi, Catherine, « Victor Gruen : A New Architecture for our Urban Environment », Center, n° 33, National Gallery of Art, Center for Advanced Study in the Visual Arts, Washington D.C., 2013, p. 120-123. http://www.nga.gov/content/dam/ngaweb/research/CASVA/pdfs/center-33.pdf