Dans le cadre du colloque pluridisciplinaire « Profession ? Architectes. Métier, profession ou filière, entre permanence et instabilité des formes de la pratique architecturale : comment penser les liens entre les acteurs d’un champ de l’architecture en recomposition ? », tenu les 24 & 25 novembre 2021 à l’ENSA Nancy, Manon SCOTTO a proposé une communication intitulée « Architectes et constructeurs : temporalités, échelles et apports d’une relation didactique. Fabien Vienne et Pierre Lajus : deux architectes en prise avec le monde industriel ». Il s’agissait de comprendre comment la formation des architectes et leur ‘anti-académisme’ laissaient présager une ouverture vers le monde industriel, et dans quelles mesures leurs collaborations privilégiées avec des industriels ont résolument nourri leur pratique architecturale et leur posture conceptuelle et professionnelle. Ces éléments sont évidemment à ré interroger en regard de la formation des architectes aujourd’hui, et la conception et production architecturale contemporaine.
Le programme de la rencontre est consultable en suivant ce lien.
Titre de la communication :
Architectes et constructeurs : temporalités, échelles et apports d’une relation didactique
Fabien Vienne (1925-2016) et Pierre Lajus (1930-) : deux architectes en prise avec le monde industriel
Résumé :
Depuis les carences qu’ils observent dans leur formation jusqu’à leurs collaborations avec des entrepreneurs (charpentiers, constructeurs) voire des groupes industriels, il s’agit de saisir comment Fabien Vienne comme Pierre Lajus ont toujours nourri une appétence pour la réalité constructive de l’architecture, et comment ils en ont fait une manière d’aborder la profession au fil des années. Qu’il s’agisse de leurs choix partenariaux, de leurs processus conceptuels ou encore des expériences ‘hors-cadre’ qu’ils ont pu tenter, ces architectes ont démontré une volonté permanente de tisser des liens avec le monde industriel de la construction.
Dès 1970, Fabien Vienne se laisse convaincre par l’entrepreneur Maurice Tomi, à la tête d’une société produisant des cases créoles industrialisées en bois à La Réunion, de repenser le système constructif Trigone qu’il a imaginé quelques années auparavant en métropole. Disposant des ressources humaines et matérielles utiles à cette ambition, l’industriel persuade l’architecte de le rejoindre dans ses ateliers pour réinventer, à quatre mains, un procédé plus souple combinant habilement leurs compétences : le système EXN (« X Éléments permettant N combinaisons »).
Le cas de Pierre Lajus quant à lui illustre la capacité de l’architecte à se lier avec des structures d’échelles radicalement différentes. D’abord en lien avec un entrepreneur bordelais spécialisé dans la construction bois (A. Guirmand) avec lequel il conçoit des habitations industrialisées diffusées localement, les Maisons Girolles, il n’hésite pas à s’associer au géant national Maison Phénix quelques années plus tard dans le cadre de la création d’une cellule d’assistance architecturale destinée à sensibiliser les membres de l’entreprise à une « culture architecturale » : la cellule RACINE (Recherche Architecturale pour la Construction Industrielle dans un Nouvel Environnement).
Ainsi, par la mise en perspective de ces démarches, éclairée par une analyse des archives graphiques, écrites et orales de ces concepteurs, il s’agit de lire comment la définition des composantes statutaires, scalaires et temporelles des collaborations entre architectes et constructeurs, ainsi que la fabrique d’un univers créatif élargi pour l’architecte, peuvent s’avérer déterminants dans la conception et la production de l’architecture. Notre proposition suggère ainsi d’observer ces éléments dans le but de comprendre, rétrospectivement, les apports mutuels de ces acteurs du bâti dans le process du projet d’architecture, ainsi que les enseignements que nous pouvons retenir de ce type d’association.