Dans l’imaginaire de ses habitants comme de ses visiteurs, Grenoble souffre d’un déficit d’image architecturale dû en grande partie à la forte croissance urbaine de l’après-guerre qui aurait déconnecté le centre historique de la ville dite « moderne ». Les transformations urbaines parfois radicales des années 1960 à 1980 n’ont fait qu’aggraver la scission entre le patrimoine ancien et le bâti du XXe siècle dont les qualités architecturales et urbaines sont mal connues et, à tort, souvent peu considérées. Comme pour beaucoup d’autres villes françaises de la même importance, le développement urbain grenoblois s’est fait à travers une succession de périodes de croissance tant spatiale qu’économique ou technique. Chacune de ces périodes a imprimé sa marque dans le tissu urbain et dans l’architecture de la ville. Alors que le XXe siècle est révolu, il devient possible de porter un regard critique et objectif sur le patrimoine issu de plus d’un siècle d’évolutions urbaines et d’innovations architecturales.
L’attribution par le ministère de la Culture du label Architecture contemporaine remarquable à plusieurs édifies et ensembles d’après-guerre (Village Olympique, Palais des expositions, Hôtel de Ville, Maison de la culture, Cité de l’Arlequin, mais aussi l’École d’architecture, etc.) a mis en lumière ces architectures récentes. Cet intérêt a été confirmé par la création en 2004 d’une zone de protection du patrimoine architectural urbaine et paysager (ZPPAUP, devenue aire de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine en 2012, puis site patrimonial remarquable en 2016), par l’opération programmée d’amélioration thermique (OPATB) des Grands boulevards et, en 2018, par l’attribution du label Ville d’art et d’histoire à la ville de Grenoble par le ministère de la Culture, dont l’un des volets porte sur le patrimoine architectural récent. Cette extension du champ patrimonial concerne autant les périodes de construction que les types de patrimoine jugés dignes d’intérêt, tels ceux constituant l’ordinaire de la ville : les édicules et le mobilier urbain, le logement social, les bâtiments industriels et commerciaux, les ensembles urbains, etc.
Le projet en cours vise à restituer les évolutions urbaines et architecturales qui ont transformé Grenoble et ses environs au cours du XXe siècle. Il s’agit d’évoquer l’histoire de l’architecture et de l’urbanisme grenoblois par l’intermédiaire des édifices et des ensembles qui ont marqué la ville et qui en forment aujourd’hui encore le cadre bâti. Le croisement de recherches documentaires et de repérages in situ a permis de constituer un corpus d’objets sélectionnés de façon à donner un aperçu synthétique de l’évolution économique, sociale et urbaine de Grenoble au cours d’une période de transformations intenses qui s’étend des années 1880 (développement industriel et urbain) aux années 1990 (achèvement des projets initiés pour les Jeux Olympiques et nouveaux projets urbains). La base de données constituée alimente diverses actions scientifiques et de valorisation.
Ce travail est mené par Philippe Grandvoinnet et Etienne Léna, avec Bénédicte Chaljub et Hubert Lempereur, en partenariat avec la Ville de Grenoble, le Conseil départemental de l’Isère et la DRAC Auvergne-Rhône-Alpes.