Lors de la Journée d’études doctorales « La norme et son contraire », organisée le 14 février 2020 par Carmen Popescu (ENSA Bretagne), dans le cadre du séminaire doctoral proposé par Anne-Marie Châtelet (ENSA Strasbourg), Hélène Jannière (Université Rennes 2), et Jean-Baptiste Minnaert (Sorbonne Université), Manon Scotto a proposé une intervention ayant pour titre :
» De la trame normative à la trame prospective. Le cas de l’industrialisation de l’habitat individuel en France (1960-1980) »
Résumé de la communication
Le processus d’industrialisation du bâti dominant le XXe siècle a amené les architectes à aborder la conception sous l’angle de la rationalisation des espaces et des modes de mise en œuvre. Dans un tel moment de mutation de la pratique architecturale, alors mise en concurrence avec celle des ingénieurs, constructeurs et industriels, les trames incarnent pour les architectes une sorte de sésame vers une homologation ministérielle des systèmes constructifs et modulaires qu’ils imaginent, et donc une norme par laquelle il faut passer pour accéder à la commande.
Souvent considérées comme une contrainte imposée par les pouvoirs politiques, il est intéressant de remarquer comment certains praticiens semblent s’être emparés des trames comme une source particulièrement fertile de création.
Lors de la convention nationale de la société Maison Phénix de 1979, l’architecte Pierre Lajus (1930-/) revient ainsi sur le rapport qui relie l’architecte à la question de la norme :
« Tous les architectes sont convaincus que la norme les empêche de vivre et de faire de l’architecture. Je ne suis pas du tout de cet avis. Je pense que les normes qui empêchent de faire de l’architecture sont celles que l’on a intériorisées. Celles de l’Administration sont extérieures, on peut se battre avec elles ».
En poussant plus loin ce raisonnement, il s’agit d’analyser comment des architectes ont choisi de se battre « au moyen » de ces normes, tentant de mettre les potentialités de l’industrie à leur service, ainsi qu’à celui des usagers, et non l’inverse.
Par leur caractère complexe et systémique, nous posons ainsi l’hypothèse selon laquelle les trames, au-delà d’être une norme inhérente à une industrialisation du bâti, représentent, pour l’architecte qui le décide, un incroyable outil de création lisible par l’ensemble des acteurs de la construction (professionnels, politiques, usagers), et sans cesse réactualisé de manière à suivre les mutations de la société, qu’elles soient techniques, intellectuelles ou sociales.