- Maître de conférences TPCAU jusqu’au 30 septembre 2022
- 1996 : CEAA
- 1984 : Architecte D.P.L.G.
- 1977 : Diplômé de l’Ecole des Arts Décoratifs et du Bâtiment de la Ville de Grenoble
- Membre du laboratoire depuis 1986
- L’analyse dessinée comme représentation ajustée à la pensée conceptuelle du projet d’architecture
Mots-clefs : Projet d’architecture, lecture/analyse, relevé, représentation dessinée, langage classique
Contact : patrick.thepot@grenoble.archi.fr
Le langage classique, les ordres d’architecture en modèle
« Ainsi qu’en toutes choses, aussi surtout dans l’architecture il y a ces deux (choses) : ce qui est signifié et ce qui signifie : (ce qui) est signifié, (est) la chose énoncée dont on parle ; (Ce qui) la signifie, (c’est) l’exposé développé par les procédés des sciences. D’où résulte que dans cette double direction doit être exercé celui qui veut faire profession d’architecte » Choisy Auguste « Vitruve, Tome I : texte et traduction » chapitre I, livre premier, page 6. Paris: F. De Nobele, 1971. La traduction de Choisy, associée au signifiant/signifié de Ferdinand de Saussure, introduit à la linguistique dans la pensée scientifique. A partir de Vitruve et d’Alberti, nous pouvons envisager que ce qui est signifié est la chose que l’on désigne et ce qui signifie le moyen par lequel on désigne la chose. Le sens étymologique de « désigner » nous conduit au mot « dessin » pour ouvrir la pensée au sens donné à la forme architecturale dans sa théorie et sa pratique. A la lecture du De re aedificatoria les linéaments d’Alberti proposent deux significations. Lineamenta est le dessin mental qui participe de la naissance d’un projet alors que lineamentum représente son tracé. Dans notre cas, les deux significations sont évoquées pour parler d’architecture en acte. La décomposition de projets renaissants animée d’une pensée architecturale nous montre les voies par lesquelles une conception peut être méthodiquement composée. Une pensée abstraite est ainsi convoquée. L’abstraction conduisant à la notion d’ordre en tant qu’idée est celle qu’utilise Kahn. A l’identique de Louis Kahn et en transitant par la codification des cinq ordres du langage classique de l’architecture, la recherche d’outils de projet renvoie à l’Antiquité en passant par la Renaissance italienne pour reconsidérer la pensée même de l’architecture contemporaine.
Le tracé de la « Ville de trois millions d’habitants », le même et l’autre au-delà des apparences
Dans le Timée de Platon, le Même appréhende l’intelligible et l’Autre perçoit le sensible. L’âme du monde contemple l’intelligible et se trouve en contact avec le sensible pour assurer la conformité avec son modèle. Le modèle proposé par Le Corbusier est modulé à l’image de l’homme et s’harmonise avec lui. « Le module mesure et unifie, le tracé régulateur construit et satisfait », ainsi la géométrie devient un langage en miroir de cet homme virtuel. Son texte sur le tracé régulateur contient une assurance contre l’arbitraire, «un déterminisme souverain éclaire à nos yeux les créations naturelles et nous donne la sécurité d’une chose équilibrée et raisonnablement faite, d’une chose infiniment modulée, évolutive, variée et unitaire», (Vers une architecture). Cette recherche en cours s’appuie sur une série de décompositions dessinées basée sur différents tracés possibles qui animent le plan de la « Ville de trois millions d’habitants » en un espace mental théorique. L’autre Le Corbusier comme nous le propose Manfredo Tafuri (L’Altro Le Corbusier, L’indice n°5, 1985) est d’abord initié à la géométrie et aux tracés régulateurs lorsqu’il étudie le projet de la villa de l’archéologue Theodor Wiegand pour Peter Behrens en 1910. Durant cette période et partir du travail de Karl Alhard von Drach, le jeune Le Corbusier nourrit déjà son imaginaire qui préfigure le Modulor.
Le dessin par les textes, L. B. Alberti, A. Loss, V. Ugo
Pénétrer l’univers du dessin d’architecture c’est admettre que nous ayons affaire à un langage hermétique qui a la particularité d’être parfaitement codé tout en offrant une grande liberté dans l’interprétation des conventions qui l’organisent. Le rôle du dessin d’architecture est multiple tant il peut se plier aux différentes phases de l’élaboration d’un projet et par projet nous pouvons entendre un projet à construire, un projet d’analyse ou encore un projet de relevé car faire un projet c’est dresser un plan comme on prépare une attaque. Ainsi, l’élaboration du dessin passe par la main aidée de l’œil et anime par la pensée. La pensée est donc le moteur intimement lié au langage, et si nous nous référons à Martin Heidegger: « une langue ne correspond pas à une pensée, et par conséquent qu’elle ne l’aide ni ne la trahit, mais qu’elle est cette pensée même ». Cependant le dessin est-il véritablement l’expression de la pensée ou d’une pensée? Permet-il de mettre de l’ordre dans notre esprit? Est-il capable de rendre homogène ce qui habite notre mémoire ou celle d’un édifice existant? En quoi le dessin d’architecture peut-il contribuer au travail de l’architecte dans son dessein et est-il vraiment indispensable? La première partie de cette étude propose trois fragments de textes pour nous aider à répondre à ces questions. Ceux-ci n’ont rien d’exhaustif, mais la diversité des auteurs reflètent des préoccupations à des périodes précises de l’Histoire et deviennent complémentaires par leurs différences. Dans le De re aedificatoria de Léon Baptiste Alberti nous trouvons un certain nombre de règles qui sont amenées comme des conseils et les paragraphes traitant du dessin sont d’une grande précision sur ce qu’il faut ou ne pas faire. Adolf Loos en écrivant Paroles dans le vide exprime avec vigueur son rejet pour tous ceux qui utilisent le dessin à des fins douteuses et va jusqu’à remettre en cause l’utilisation de ce mode de représentation. Quant à Vittorio Ugo, en intitulant son article « Dessin / dessein: la théorie par voie graphique », il interroge certains schémas théoriques réalisés et énoncés en direct par Le Corbusier. Et ces schémas nous exposent toute la portée théorique d’une élaboration graphique. La seconde partie de cette étude présente l’apprentissage du dessin d’architecture par l’analyse, avec le palais Piccolomini en exemple ainsi que des relevés d’édifices ou leurs détails, mesurés in situ, à Prague, Zd’ar nad Sazavou, Vienne et Lille.