Produit par le CAUE 74, sous le commissariat de Mélina Ramondenc, doctorante MHA et présentée à la La Plateforme
Ancien Musée de peinture, Place de Verdun, Grenoble
Du 13 octobre au 31 décembre La Plateforme accueillera l’exposition Conquêtes spatiales. Où viverons-nous demain ?
Observateur attentif des mutations de la société, le critique d’art et d’architecture Michel Ragon révèle le bouillonnement de la recherche architecturale émergente dans son ouvrage Où vivrons-nous demain ? paru en 1963. Alors que l’Homme s’apprête à marcher sur la lune, d’autres conquêtes spatiales sont à l’œuvre pour inventer une architecture propre à cette humanité nouvelle. Les architectes Jean-Louis Chanéac, Pascal Häusermann et Claude Costy en sont des artisans enthousiastes. Explorant les possibles, conciliant les contraires, expérimentant sans cesse, ils inventent un nouveau langage architectural aux formes organiques et au vocabulaire inédit.
Cette exposition se compose de trois parties, articulées autour de la question obsédante posée par le titre du livre de Michel Ragon, et interroge le rapport de ces trois architectes au territoire, à la société et à l’avenir. Où… Jean-Louis Chanéac, Pascal Häusermann et Claude Costy projettent une architecture vivante, pensée pour son milieu, qui sait aussi se faire réversible et nomade pour coloniser de nouveaux territoires. Vivrons-nous… Ils développent de multiples solutions offertes à l’individu pour personnaliser son habitat, qu’il choisit sur un catalogue ou auto-construit à son image. Demain ? Ils exposent leurs visions à la fois pragmatiques et fantastiques de la ville et de l’habitat du futur, et plus précisément de l’an 2000 qui devient leur horizon mental.
Au cœur de l’exposition, le projet de centre-ville de Douvaine (Haute-Savoie), qu’ils réalisent tous les trois, marque l’apogée de leur intense période de recherche prospective. Les visions anticipatrices de ces architectes portent alors un programme politique ambitieux, et se matérialisent enfin sur un territoire réel. Bien qu’inachevée, la construction de cet ensemble urbain reste un témoignage majeur de cette aventure architecturale.
Revisiter aujourd’hui ces futurs antérieurs permet de reconsidérer cette production architecturale tombée en désuétude, puis redécouverte précisément à l’époque vers laquelle elle se projetait : l’an 2000. Et de nous interroger à notre tour sur les futurs souhaitables.
JEAN-LOUIS CHANEAC
Jean-Louis Rey naît à Avignon en 1931. Il emprunte le nom de jeune fille de sa mère pour en faire son pseudonyme : Chanéac. En 1948, il entre à l’École des arts décoratifs et du bâtiment de la ville de Grenoble et obtient son diplôme de commis d’architecte. Il exerce alors dans des agences savoyardes à Aix-les-Bains et Chambéry. En 1960, il dépose le brevet du Procédé planning pour un habitat industrialisé modulaire qu’il réalise deux ans plus tard.
En 1963, il s’installe comme maître d’oeuvre à Aix-les-Bains, et concilie des recherches expérimentales, qui trouvent rapidement un écho national, avec une production locale de grande qualité.
En 1972, il reçoit le titre d’architecte par décision ministérielle, soutenu par Denys Pradelle, représentant local de l’Ordre des architectes. En 1977, son agence s’agrandit significativement, au moment où ses travaux prennent un tournant post-prospectif. Il porte alors des projets importants comme le plan directeur du pôle d’activité Savoie-Technolac à Chambéry (1985-1988) ou la candidature d’Albertville aux Jeux olympiques pour le volet architectural (1986). Jusqu’à sa disparition accidentelle en 1993, il questionne inlassablement le territoire alpin, à la recherche d’un « nouveau régionalisme ».
CLAUDE COSTY
Claude Costy est née en 1931, en Haute-Savoie. Elle s’initie puis se forme à l’architecture auprès de Maurice Novarina, voisin et ami de ses parents. À la fin de ses études à l’École d’architecture et d’urbanisme de Genève, elle voyage aux États-Unis et découvre les travaux de Frank Lloyd Wright et de Paolo Soleri qui l’influencent durablement. Entre 1966 et 1973, elle forme un couple à l’atelier comme à la ville avec Pascal Häusermann.
Ensemble, ils inventent un langage architectural nouveau tout en légèreté et en courbes, et réalisent de nombreuses maisons individuelles en voile de béton projeté. Parmi ses réalisations personnelles, l’École enfantine de Douvaine (Haute-Savoie), la Maison Cavy (Essonne) et la Maison Unal (Ardèche) sont des exemples remarquables de cette architecture expérimentale.
Sa rigueur professionnelle en fait une cheffe de chantier hors pair, et lui permet de s’imposer dans un milieu où les femmes sont encore très rares. Depuis la fin des années quatre-vingt-dix, elle mène une activité de céramiste-potière dans sa maison de Minzier, en Haute-Savoie.
PASCAL HÄUSERMANN
Pascal Häusermann est né à Bienne (Suisse), en 1936. Enfant, il habite à Genève dans l’un des appartements de l’immeuble Clarté conçu par l’architecte Le Corbusier. Encore étudiant à l’École d’architecture et d’urbanisme de Genève, il entame ses projets et ses recherches sur l’architecture de plastique et les voiles de béton projeté, de façon très intuitive et spontanée, en réalisant des prototypes.
Ainsi, le Pavillon de week-end expérimental de Grilly (Ain) construit en 1958 et la Maison Novéry (Haute-Savoie), cellule d’habitation en polyuréthane réalisée en 1963, seront très remarqués. Entre 1966 et 1973, il forme un couple à l’atelier comme à la ville avec Claude Costy. Leur production commune, expérimentale et spontanée, témoigne de leur capacité à inventer un nouvel environnement aux formes organiques.
À la fin des années soixante-dix, les réformes successives du permis de construire, puis le choc pétrolier de 1973, portent un coup d’arrêt à ses réalisations. Il s’implique alors dans des opérations de promotion immobilière. Il poursuit néanmoins ses recherches jusqu’à son décès en 2011, à Madras (Inde).
Commissaire d’exposition : Mélina RAMONDENC, doctorante en architecture.